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Pensées juives - Articles
réfutent cette hypothèse. Abravanel,
philosophe et homme d’état portugais
du 15 ème siècle, soutient que chaque
détail de l’architecture du sanctuaire
a « une dimension allégorique ». Le
sanctuaire lui-même représenterait
l’être humain et chaque détail com-
porterait un enseignement éthique.
Ainsi, si la menorah doit être faite d’or
pur c’est pour nous garder des idées
impures et que nous aspirions nous-
même à la pureté. D’autres érudits
comparent sa lumière à l’âme hu-
maine qui peut elle aussi apporter sa
lumière en mettant un frein à l’ego, en
apprenant l’humilité.
Martin Buber et, plus tard encore, aucun accomplissement n’est pos-
Si l’arche doit être recouverte d’or à Emmanuel Levinas ; Martin Buber qui sible sans porter attention au détail.
l’extérieur comme à l’intérieur, c’est écrivait en substance que lorsque On le voit, dans ce lieu de kedousha
que, comme nous le rappellent les deux êtres sont dans un rapport qu’est le sanctuaire, l’éthique devient
anciens maîtres, notre extérieur doit d’empathie authentique et humain, la finalité de l’existence.
correspondre à notre intérieur. Là se « Dieu est l’électricité qui surgit entre
trouve le vrai sens de l’intégrité selon eux ». Pour finir, on peut dire que les spé-
le rabbin Hillel Silverman. cialistes contemporains de la bible ne
Pour les commentateurs donc, la To- s’étonnent pas que la Torah consacre
D’après les commentaires de Rashi rah nous offre ici bien plus que des tant de pages aux descriptions minu-
et de Nahmanide, si les deux chéru- plans architecturaux à l’esthétique tieuses de la construction du sanc-
bins sur le couvercle de l’arche sont élaborée. Chaque détail qu’elle décrit tuaire, car pour eux, elles font écho à
tournés l’un vers l’autre, c’est pour recèle un sens profond en lien avec celles d’autres temples antiques au
nous rappeler que Dieu désire que le divin que les maîtres rabbiniques Moyen-Orient. Mais nos rabbins
nous nous souciions les uns des ont cherché à révéler. quant à eux considèrent le sanctuaire
autres. Il est interdit de détourner son comme une œuvre d’art sainte. C’est-
regard, de se montrer indifférent. Ce Si, dans la Parasha Teroumah, l’en- à-dire que, comme la Torah, une
n’est donc pas un hasard si l’Eternel seignante et linguiste Tamar abondance de messages connectés
choisit de faire entendre sa voix à Schwartz a remarqué que la racine au divin se trouve cachée au cœur de
l’homme qu’est Moïse dans cet es- du verbe « faire » qui signifie aussi chacun de ses éléments. C’est à
pace d’ouverture créé par les deux « parfaire » (Aïn- sin- hé) revient 57 nous de nous pencher sur cet ou-
anges tournés l’un vers l’autre. Car fois au cours des 96 versets de la vrage sacré pour l’admirer et en dé-
ce face à face ne symbolise-t-il pas Parasha, c’est que dans le foisonne- celer les mystères et ainsi nous éle-
l’empathie et la compassion dont ment de détails exigés par Hashem et ver de la matérialité du monde vers le
nous devons faire preuve envers nos exécutés par les enfants d’Israël, on divin.
semblables et par lesquelles se ré- peut aussi entrevoir nos efforts en
vèle le divin en chacun de nous ? tant qu’êtres humains, qu’ils soient C.E
C’est aussi l’essence de la pensée de petits ou grands, afin d’aspirer vers
deux philosophes juifs plus récents : ce qui est bien, ce qui est beau. Car
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