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Pensées juives - Articles
Extrait de la Drasha de la Parasha Teroumah : Exode 25 : 1- 27 : 19
Par Catherine E
Deux problématiques me semblent véshakhanti betokham » : « Et ils l’exégète Umberto Cassuto, le
ressortir de cette Parasha. Tout me construiront un sanctuaire et je mishkan représente le lien tangible
d’abord, pourquoi Dieu exige-t-il des résiderai au milieu d’eux ». D’ail- forgé par Dieu avec les enfants
leurs, l’Eternel ne dit-il pas à Moïse
d’Israël au mont Sinaï. Un peu
enfants d’Israël la construction d’un
mishkan ? N’est-il pas l’Eternel, in- que c’est afin de « résider dans leur comme Rashi avant lui, il nous ex-
sein » : « betokham » et non pas
plique qu’« une fois repris leur
commensurable ? Hashem étant
infini n’est pas « enfermable » dans « betokho » : en son sein (c’est-à- voyage, ils ont eu l’impression que
un lieu donné puisqu’il est « partout dire au sein du sanctuaire). ce lien allait se rompre s’il ne sub-
sistait pas un symbole tangible de la
où nous le laissons entrer » ainsi
que le rappelait rabbi Mendel de Avant la création du premier sanc- présence divine parmi eux ».
tuaire, les Hébreux adoraient Dieu
Pour le rabbin Maurice Adler l’an-
Kotzk aux érudits qui le remettaient
en question. partout où ils se sentaient prêts à cien sanctuaire ou la synagogue
prier : cela pouvait être en haut des moderne remplissent quatre rôles
collines ou bien auprès des cours
principaux :
Quelle peut donc être la fonction du
sanctuaire ? L’autre problématique d’eau. C’est après la libération
qui me vient à l’esprit c’est qu’on d’Egypte et le don de la Torah que - Celui de conserver pour se prému-
les Bne Israël reçoivent l’ordre de la
nir contre l’oubli les grands pré-
peut se demander pourquoi la Torah
s’étend si longuement sur les construction d’un sanctuaire afin ceptes du judaïsme ;
- Présenter un code d’éthique ;
que Hashem « réside au milieu
moindres détails du sanctuaire.
d’eux ». Qu’entendait Dieu par ces - Elargir les perspectives humaines
1. Rashi, dans une première inter- mots ? Les sanctuaires sont-ils né- (en facilitant notre passage du pro-
fane au sacré) ;
cessaires pour se connecter au di-
prétation, nous dit que ce n’est pas
Dieu qui a besoin d’un sanctuaire, vin ? - Rappeler à la communauté juive
mais bien les enfants d’Israël. On « Il n’y a pas d’endroit sans Dieu » ce qui maintient les juifs ensemble.
doit se rappeler, nous dit-il que la
Torah ne suit pas un ordre chronolo- nous dit Sa’adia Gaon. On peut le Ainsi, au fil du temps, le sanctuaire,
gique rigoureux. L’épisode du veau rencontrer dans la nature, la beauté qu’on l’appelle temple ou syna-
gogue, a fonctionné comme beit
du monde, l’amour, l’amitié, dans
d’or nous est conté bien après
l’ordre de construction du mishkan les actes de justice sociale et de tefila (maison de prière), beit mi-
drash (maison d’étude) et beit knes-
générosité, dans les actions de paix.
(deux Parashot plus loin, dans la
Parasha ki tissa). Or, selon Rashi, Aucun sanctuaire n’est lieu unique set (maison de rassemblement).
l’histoire du veau d’or doit être anté- de la shekhina. Quelle est donc la Aujourd’hui encore la synagogue
fonction du sanctuaire dans la tradi-
reste la plus importante institution
rieure à la requête de Hashem, car
l’ordre de construction du mishkan tion ? de la vie juive.
est relatif à la faute du veau d’or ; Les premiers rabbins avaient déjà 2. Mais pourquoi la Torah s’étend-
c’est, en quelque sorte une répara-
tion de la faute. Pour Rashi, c’est pressenti le besoin humain de se elle si longuement sur les détails de
construction du mishkan ?
recueillir dans un espace consacré
quand Moshe tarde à redescendre
du Mont Sinaï que les enfants à la méditation et à la prière. Les
d’Israël se sentant perdus, presque sanctuaires religieux ont donc une Pour l’exégète Nahoum Sarna cette
description élaborée évoque « un
fonction essentielle : ils sont des
abandonnés, certains le croyant
même mort, se laissent aller à l’ido- lieux privilégiés pour nos rencontres type de temple courant au Proche-
avec Dieu au travers de la prière, de
Orient de l’époque ». Les prescrip-
lâtrie. Dans leur faiblesse, ils ont eu
besoin de matérialiser le divin par la l’étude et du partage. Cela ne veut tions architecturales décrites ici ne
fabrication d’une idole et ils com- pas dire qu’ils sont les seuls : on seraient donc pas surprenantes
puisqu’elles
peut toujours se connecter au divin
à
correspondraient
mettent la faute gravissime du veau
d’or. Dieu se serait donc dit qu’il dans les lieux les plus variés. Mais d’autres plans de temples provenant
fallait absolument leur donner un on peut puiser beaucoup de récon- de cultures et de religions du Moyen
-Orient.
fort à se recueillir dans un cadre
sanctuaire afin d’éviter d’autres éga-
rements : « Véassu li mikdash inspirant avec le soutien et l’enthou-
siasme d’une communauté. Pour Mais beaucoup de commentateurs
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